Sables Acores: Warm Up
A 500 milles des Açores

Les Sables Les Açores en grand meneur

Il y a des histoires de mer qui sont belles, celle-ci est simplement superbe. Tout d'abord, il y a eu quelques mois où l'homme s'était un peu éloigné de son bateau pour traverser l'Atlantique sur un autre voilier. Et puis il y a eu le retour sur le circuit, des retrouvailles entre deux grands caractères, entre un bateau affuté par la puissance et un grand marin dont le charisme ne laisse personne indifférent. Les voiles se hissent pour un premier retour l'eau.. une course de légende courue en double avec un ancien concurrent, un Mini Fastnet qui a fait du bien au marin ministe devenu figariste le temps d'un hiver. Un hiver durant lequel d'autres ministes ont travaillé dur et se sont perfectionnés en vue de 'la' course de la saison 2010.

De retour sur l'eau, il faut un temps nécessaire pour que l'homme et le bateau se ré-apprivoisent. Quelques navs donc pour retrouver les sensations, la subtilité de certains réglages, des réflexes perturbés par des gestes figaristes. L'expérience frappe alors Bertrand qui réalise à quel point la réussite vient avec le travail et l'entraînement. Quelques milles plus tard, quelques face à face entre le skipper et sa monture et voilà le tandem retrouvé. Caprices d'éléctronique.. Raging Bull ne chercherait-il pas à s'exprimer et faire comprendre qu'il a été un peu vexé de cette mise au sec pour cause de transat Ag2r ? Qu'à cela ne tienne.. Bertrand n'hésite pas et montre à son bateau à quel point c'est à son bord qu'il veut retourner en Atlantique, gagner les courses. Chantiers et chouchoutage intensif pour le 754 qui aime que l'on s'occupe de lui, et qui le rend bien.

Mise à l'eau.. dialogue entre Bertrand et son bateau. Conversation privée. Retrouvailles réussies. Les sensations sont retrouvées, tout comme les réflexes qui ont une incidence directe sur la vitesse de ce proto fusée. Tout sera prêt pour LA course de l'année, la SAS comme on l'appelle pour aller plus vite..

Bertrand Delesne confirme sa participation et n'a pas l'intention de n'y tenir qu'un rôle de figurant. Intimidation ou simple éclat de caractère. Le 754 change de tenue. Les couleurs de Prati'Bûches enflamment les eaux, un jaune orange qui embrasera les passionnés; ce bateau là, c'est certain ne pourra être que remarqué.

Les Sables Les Açores Les Sables. Une course exigeante qui cette année a décidé de régaler la flotte des engagés. Pas de méchant près pendant des jours compliqués, non pas de bis-repetita du sénario 2008, cette édition 2010 sera celle de la vitesse, des sensations jouissantes des allures portantes.
La météo sera rêvée et de rêve, parfaite pour Bertrand qui ne peut cacher son impatience à quelques jours du départ. Sur les pontons des Sables, le 754 est prêt, tout simplement prêt.

Et puis le mercredi aux Sables, c'était le jour du prologue. L'occasion d'embarquer de jeunes moussaillons. Un équipage d'un jour pour un partage qui restera toujours. Mais quand Bertrand sort à bord de son bateau, ce n'est jamais pour amuser les foules. Régate d'exhibition certes, mais régate tout de même. Bertrand se classe 2nd. Que pouvait-il faire de mieux? La légende raconte que le vainqueur d'un prologue ne remporte jamais l'épreuve.. La légende semble punir un excès d'orgueil, qu'elle soit vérifiée ou pas, que l'on soit superstitieux ou pas, les marins préfèrent souvent se classer 2. L'histoire de l'édition nous confortera certainement dans ce constat.

Il va bientôt falloir partir. Que reste-t-il à faire ? Le bateau est prêt. Bertrand aussi. Et puis s'enchaînent les briefings sécurité et autres contrôles de jauge. Rituel qui annonce le jour attendu. Tout est ok. Sur les pontons les passants passent, les passionnés se passionnent et les ministes font vivre l'esprit d'une classe bien particulière.

Encore un peu de météo en ce dimanche matin. A 10h, config course obligatoire. L'heure est aussi au partage avant l'épreuve solitaire. Partenaires et proches sont là pour accompagner les derniers tours de cadran avant que le temps ne compte autrement. Alors il faut profiter, ne pas tomber dans l'euphorie parfois stressante du départ. Il est temps de larguer les amarres.

Un dernier geste de tendresse au sein des siens, les amarres sont larguées et le combat peut commencer. Le corridor emprunté par le Raging Bull n'est autre que celui du Vendée Globe. La foule sur la jetée semble annoncer que les choses sérieuses commencent. Ils agitent leur bras, saluent ces hommes un peu fous partis sur de bien petits bateaux, complètement surpuissants. Les voilà dans l'arène de liberté. Sur le plan d'eau, le vent a décidé d'énerver un peu les engagés. Mais pas de quoi enrager, les ministes ont les nerfs bien accrochés. Ils attendront que le vent ne daigne rentrer avant de s'élancer. Un flux de Nord Ouest renforcé par la brise thermique, tout de bon pour démarrer en beauté. Le départ est enfin donné. Prati'Bûches est dans le bon paquet, du bon côté. Adversaires de taille pour rendre le jeu plus passionné, car on le sait bien, à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

L'étrave enflamme la mer formée, le sillage du 754 ouvre la voix parmi les meneurs au reste de la flotte déjà distancée. Les minis filent telle une armée vers le large. Le vent souffle fort au Cap Finisterre, et les bateaux semblent bien pressés de toucher cette pression ventée. Allures portantes, les compteurs explosent. Très vite Bertrand se retrouve 1er. Comme si cela avait été annoncé. "Ce n'est pas moi, c'est le bateau!" on imagine Bertrand vouloir s'en excuser.

Et puis si la vitesse se doit d'être intense, elle se doit aussi d'être endurante. Bertrand se place rapidement au "bon endroit", il glisse légèrement vers le Sud. Un décalage judicieux qui place peut-être Bertrand en deuxième position pour le moment mais qui est la route idéale pour arriver en tête aux Açores. Car l'objectif c'est d'être devant, mais devant au bon moment, au moment de couper la ligne d'arrivée, aux Açores. Pas de place pour l'improvisation, le talent ne se joue pas, il se navigue.

Trajectoire parfaite donc pour le 754, à en croire les experts restés à terre qui ne peuvent que féliciter la route de Bertrand Delesne qui semble parti pour décrocher un record de vitesse historique sur cette épreuve. Tout feu tout flamme, Prati'Bûches déboule vers les îles Atlantique.. et pendant que nous nous rêvons à cette belle histoire avec des phrases, Bertrand et son bateau se régalent, ensemble et en phase, au portant, à une vitesse extrême depuis plusieurs jours maintenant. A plus de 10noeuds de moyenne, la navigation devient alors une addiction de vitesse et de sensations fortes, en solitaire au milieu de l'Atlantique.. de la drogue dure comme en rêvait amusé Bertrand avant de partir. 

Aux trousses de notre grand meneur, une harde de minis, protos et séries, qui progressent telle une cavalerie poussée par les vents. Pas de cadeau, Prati'Bûches tient une place de premier que tous aimeraient emparer.

Encore 400 milles à dévorer pour prétendre la victoire d'étape, 400 milles encore pour pouvoir s'amarrer à Horta. 400 milles aussi pour poursuivre l'histoire d'un grand meneur qui écrit du bout de son étrave de feu l'histoire d'un ministe et d'un bateau super puissant, dans les mémoires de mer de ces hommes un peu fous, solitaires du 6.50.

Capucine Trochet

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