Si les dernières 24h ont été vécues sans relache par le duo de Prati'Bûches, Bertrand et Stéphane ont pris hier midi les commandes de la course, pour ne plus les lâcher.

Comme vous avez pu le lire précédemment, la première partie de la course avait été compliquée à gérer car les conditions météo étaient musclées, il y avait un courant fort, la traversée du rail, une mer creusée et tout cela en remontant au près, bref que du bonheur! Mais rien d'insurmontable pour notre tandem Prati'Bûches qui n'a cessé de cravacher pour mener la flotte. En tête depuis la mi journée donc, Bertrand et Stéphane ont réalisé un beau coup stratégique dans leur navigation vers le phare de Wolf Rock. Ils passent vers 16h la fameuse marque de passage en tête et impressionnent par un sans faute dans leur trace. Et si beaucoup ont dû tricoter jusqu'à ce premier rocher, eux ont simplement filé.

Hier après-midi, bien que tous les gars aient été usés par les premières 24h de course, ce n'était pas le moment de flancher. Définir la trajectoire, choisir la bonne route peut être déterminant. Et dans ce cas précis, la problématique était d'appréhender au mieux le passage du phare. L'ex président de la Classe Mini, Richard Mérigraux analysait la situation « Il y a ceux qui ont viré tôt, pour être « layline » (faire le moins de mille possible) et ceux qui ont préféré s’allonger la route pour être sûrs de ne pas avoir à tirer de contre-bord pour passer Wolf Rock et allonger la foulée avant le phare. Tout était question de timing ». Et sur le site de la course, le ministe et ancien concurrent sérieux de Bertrand, Henry-Paul Schipman, livrait son point de vue : « Je pense que certains ont viré trop tard comme Jorg (Mare.de) ou Aymeric (La mer n’est pas une poubelle), d’autres un peu tôt comme Eva Luna (Le Brec/Riou). La position mediane de Bertrand et Stéphane (Delesne/Le Diraison – Prati’Buches) me semblait la plus judicieuse. »

A bord du 754, Bertrand et Stéphane avaient décidé de confronter leurs idées afin d'obtenir en en parlant la meilleure stratégie. A croire que leur méthode et leur analyse étaient les bonnes, Bertrand et Stéphane sont passés en bons leaders au phare de Wolf Rock. Chaque petit mille grapillé est bon à avaler tant la bataille est rude sur ce plateau de haut niveau : au final, les six premiers protos sont passés en 6 milles nautiques! Une marque de passage est aussi le moyen de faire un point sur les différents écarts entre les types de bateaux, on remarque donc que les premiers protos sont passés vers 15h et les derniers bateaux de séries vers 3h du matin... Intéressant!

Après Wolf Rock, début de soirée légèrement plus tranquille pour ce qui était des conditions, le vent change de ton, faiblit à 15-20 noeuds et s'oriente Nord Est. En attendant la sieste des souffleries, Prati'bûches ne s'endort pas, carbure, avance à 8 noeuds. Les ministes peuvent presque se permettre une route directe vers le Fastnet, devenu le nouvel objectif à ce stade de la course. Côté météo, après une bonne baston, c'est maintenant une bulle sans vent située au sud de l'Irlande qui risque de venir chatouiller les stratégies. Du coup, côté tactique, pour atteindre ce nouvel objectif, une majorité a joué la route directe, certains ont légèrement infléchi leur trajectoire au Sud pour chercher un peu plus de « pression », et si Bertrand et Stéphane faisaient eux route directe, ils n'ont cessé de progresser un peu plus nord, mais sans non plus tenter l'option plus extrême osée par le duo Ducroz-Mahé, partis plein Nord, sûrement pour toucher une bascule du vent et profiter alors d'un angle plus favorable pour appréhender le Fastnet. Option extrême qui n'aura pas été concluante pour tandem qui pointe à la 13ème place du dernier classement (18h ndlr). Tout est question de justesse dans l'appréciation des quelques données dont les marins disposent. Décider vite avec finesse est un vrai talent qui ne s'improvise pas.

Quoiqu’il en soit, ces 160 milles (300 km) entre Wolf Rock et le Fastnet auront aussi et surtout permis aux concurrents de reprendre des forces. 160 milles aussi, pendant lesquels Bertrand et Stéphane ont su garder leur 1ère place, celle des meneurs, gardant toujours un peu de distance avec leur poursuivant du 716 Rogues-Souben (et quand je dis un peu c'est un peu, genre 2.5mn). Toute la soirée, toute la nuit, la pression ne vient plus du vent mais bien des concurrents. Pas de repos en Mer Irlandaise, il faut rester dans le match, et pas n'importe où, en tête.

Enfin voilà, tant mieux si les conditions sont plus ensoleillées là-haut... mais si le vent mollit, cela veut aussi dire qu'il y a un regroupement possible, et je ne pense pas que la réduction des écarts soit aussi agréable que le soleil ne l'est à l'approche du célèbre cailloux. Cette course devient une vraie régate. Un match serré entre nos marins du 754 et leurs plus dangereux concurrents du 667. Et ce n'est pas rien de le dire, Guillaume Le Brec et Yann Riou ne lâchent rien, eux non plus, et à 15h aujourd'hui mardi, c'est ensemble que les deux bateaux enroulent le Fastnet.. Seuls 150 petits mètres séparent les carènes adverses au passage du phare, le match n'a jamais encore été aussi serré! Et histoire d'ajouter un peu de piment au menu du jour, deux bateaux sont à leur trousse: le 716 de Rogues-Souben à un mille derrière et le 787 de Normand-Sineau à 5 milles. La bulle est là, ils sont tous dedans et tentent de s'en extirper du mieux possible.

Et puis comme si la course reprenait un nouveau départ, Bertrand et Stéphane sont exactement à la même distance du but que Guillaume Le Brec et Yann Riou depuis quelques heures. A 18h, le 754 et le 667 filaient tous deux à 4nds à exactement 279 milles de la ligne d'arrivée! Une vraie course dans la course pour le plus grand bonheur des passionnés qui suivent cette édition anniversaire du Mini Fastnet.

Tenez bon, Bertrand & Stéphane, la victoire titille votre étrave, et ici à terre, nous touchons tous du bois pour que Prati'Bûches s'échappe en tête de la tête.

Capucine Trochet